Pleine conscience

Introduite par les grands maîtres bouddhistes, la méditation séduit aujourd’hui des centaines de milliers de personnes en occident. Dans les salles de sport, les entreprises, les hôpitaux ou les écoles, tout le monde s’y met. Parmi ses différentes pratiques, la méditation dite de pleine conscience (ou mindfulness) est celle qui rencontre le plus de succès. Elle permettrait de diminuer l’anxiété, le stress, la tendance à la dépression et renforcerait le système immunitaire ainsi que le bien-être général.

Introduite par les grands maîtres bouddhistes, la méditation séduit aujourd’hui des centaines de milliers de personnes en occident. Dans les salles de sport, les entreprises, les hôpitaux ou les écoles, tout le monde s’y met. Parmi ses différentes pratiques, la méditation dite de pleine conscience (ou mindfulness) est celle qui rencontre le plus de succès. Elle permettrait de diminuer l’anxiété, le stress, la tendance à la dépression et renforcerait le système immunitaire ainsi que le bien-être général.

Aujourd’hui, méditer n’est plus seulement une affaire de moines zen ou d’illuminés mystiques retirés du monde. On est aussi très loin du premier mouvement d’intérêt pour la méditation qui remonte à l’époque de la contre-culture des années 60, au moment où il s’agissait plutôt de contester l’ordre social établi par tous les moyens. Désormais, les hippies en mal de folklore ont troqué leurs tuniques à fleurs pour des costumes trois pièces ou des jeans-baskets et la communauté occidentale des méditants s’est élargie à toutes les catégories socioprofessionnelles. Devenue phénomène de société, la méditation fait vendre des livres et télécharger des applications par millions. Un engouement qui s’explique « peut-être par le fait que nous sommes dans une époque particulièrement agitée, individualiste et stressante, constate Jorge Dana, membre actif de l’association pour le développement de la mindfulness (ADM). De nombreuses personnes ressentent de l’insatisfaction dans leur vie en général et une certaine souffrance, au travail en particulier où ils se sentent agressés, surmenés, voire harcelés. Il y a aussi la sollicitation permanente des nouvelles technologies et des réseaux sociaux : on a l’impression d’être noyé dans la masse. » On le sent bien : les gens semblent avoir besoin de se poser et de revenir à certaines valeurs plus positives et bienveillantes.

L’œuvre de Jon Kabat-Zinn
Il existe de nombreuses formes de méditations, pour la plupart issues de cultures ou de spiritualités ancestrales. Parmi les pratiques introduites en occident par les grands maîtres comme le Tibétain Chögyam Trungpa, le Birman S. N. Goenka ou le Vietnamien Thich Nhat Hanh, la plus répandue est justement celle de la pleine conscience (ou mindfulness). Dès la fin des années 70, Jon Kabat-Zinn, chercheur en biologie et médecin au centre hospitalier du Massachussetts, lui-même méditant de longue date, décide de laïciser cette pratique. Il s’en inspire pour élaborer un programme structuré de gestion du stress, de la douleur et de l’anxiété, le MBSR (Mindfulness based stress reduction). Basé sur des techniques de concentration et de respiration empruntées au bouddhisme et au yoga, celui-ci s’adresse d’abord aux malades de l’hôpital. Les bénéfices décrits par les patients (amélioration du sommeil, des douleurs, diminution du stress et de l’anxiété) permettent la diffusion de la MBSR aux Etats-Unis. Progressivement, des centaines d’hôpitaux à travers le monde commencent à l’utiliser pour soulager les douleurs postopératoires de leurs patients et celles associées aux maladies graves. Le programme original de Jon Kabat-Zinn sert ensuite à l’élaboration de protocoles spécifiques dans la prévention des rechutes dans les domaines des addictions (MBRP – Mindfulness based relapse prevention) et des troubles dépressifs (MBCT – Mindfulnes based cognitive therapy).

Introduction tardive en France
En France, l’introduction est plus lente, plus compliquée, notamment dans les hôpitaux universitaires où certains médecins, attachés à la science traditionnelle comme remède à tous les maux, restent réfractaires à la méditation. C’est le célèbre psychiatre Christophe André qui, en 2004, est le premier à recourir officiellement à la pleine conscience pour ses patients. Quelques années plus tard, il est suivi par le professeur Corinne Isnard Bagnis, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. « La maladie chronique n’est qu’une succession de situations stressantes : attendre les résultats des examens, la prochaine consultation avec le médecin, la prochaine IRM, remarque-t-elle. Tout cela est très angoissant, les patients ont vraiment beaucoup de difficultés à vivre leur quotidien. La méditation de pleine conscience leur permet de regagner de la confiance en eux, de prendre plus de recul par rapport à leur maladie et de ne pas laisser la douleur prendre toute la place. »

Aujourd’hui, les nombreux ouvrages de Jon Kabat-Zinn, mais aussi ceux du moine zen Tich Nhat Hahn, de Christophe André et du philosophe Fabrice Midal ont permis à la pleine conscience de gagner peu à peu l’adhésion du grand public français. Chacun a désormais la possibilité de s’initier à ce type de méditation par des CD, des livres ou en participant à des stages de MBSR.

Entraînement attentionnel à l’art d’être vraiment présent
« La pratique de la pleine conscience repose sur un entraînement attentionnel à l’art d’être présent à ce que l’on vit, instant après instant, ici et maintenant, avec curiosité, bienveillance et sans jugement », précise Jorge Dana, également instructeur MBSR. En somme, il s’agit de mettre en veille le pilote automatique qui nous gouverne habituellement. « La plupart du temps, nous sommes plongés dans notre cinéma intérieur, captivés par nos pensées et nos émotions, ajoute Jorge. Nous ressassons un passé qui n’est plus ou nous nous projetons dans un avenir incertain : c’est très fatigant pour le moral. Nous vivons comme si nous étions ailleurs, absents à nous-mêmes et aux autres. » C’est encore pire lorsque l’on est déprimé ou anxieux : on a tendance à ruminer les pensées négatives, ce qui ne fait que renforcer les états émotionnels douloureux. La pleine conscience permet d’observer la façon dont naissent les émotions et les pensées, qu’elles soient positives ou négatives, et comment elles peuvent nous submerger. En nous aidant à observer le fonctionnement du corps et de l’esprit, elle nous permet d’« accueillir ce qui se passe en nous de manière plus ouverte », poursuit le professeur Isnard Bagnis. On calme l’agitation du mental, on laisse les pensées et les sensations s’exprimer, être là, en gardant de la distance, sans forcément chercher à les analyser ou à s’en débarrasser.

Pas de remède miracle
Cela fait des années que les scientifiques, américains en particulier, cherchent à comprendre les effets de la méditation sur le fonctionnement du cerveau. De grandes universités (Madison, Princeton, Harvard…) mènent régulièrement des travaux sur le sujet. Grâce à toutes ces recherches, on sait désormais que méditer de façon régulière, en pleine conscience, réduit le stress, l’anxiété, la tendance à la colère, l’hypertension. La méditation renforcerait aussi le système immunitaire et le bien-être. Est-ce pour autant la panacée, le remède à tous les maux de l’esprit ? « Bien sûr que non, souligne Jorge Dana. Ce n’est pas la solution à tous les problèmes. La vie sera toujours la vie, avec ses joies, mais aussi ses douleurs, ses pertes, ses deuils. Le MBSR essaie juste modestement de calmer l’agitation naturelle de l’esprit et de donner des outils pour se recentrer, pour apprécier davantage les événements agréables et être mieux armé face aux difficultés de l’existence. Après, c’est à chacun de voir comment il s’approprie l’expérience et ce qu’il en retire. » Se poser, se taire, observer ce qu’il se passe, apaiser son mental, être dans l’instant présent : la pleine conscience aide déjà simplement à mieux vivre. A condition de la pratiquer régulièrement, à raison de quelques minutes par jour (dans l’idéal vingt à trente minutes), comme une petite gymnastique quotidienne.